Par Lauryane Leneveu, Manager, Global Business Initiative on Human Rights
L’émergence de législations instaurant des processus de diligence raisonnable à indéniablement provoqué l’essor de politiques et pratiques d’entreprises respectueuses des droits humains. Lorsque le domaine des droits de l’enfant est abordé, le travail des enfants, en particulier, demeure une problématique de nombreuses chaines de valeur et industries à laquelle les entreprises répondent exponentiellement par l’instauration de processus de prévention et mitigation des risques.
Le travail des enfants n’est, en revanche, que le sommet de l’iceberg et, alors que l’agenda des entreprises et droits humains continue de progresser, la question des droits de l’enfant peine à être explicitement approchée de façon holistique et ce malgré l’existence depuis 2012 des Principes Régissant les Entreprises dans le domaine des Droits de l’Enfant (PREDE). Ces Principes – alignés sur Convention relative aux Droits de l’Enfant - offrent un cadre global afin de guider les entreprises à adopter et intégrer des mécanismes et comportements respectueux des droits de l’enfant. Dans la même lignée, les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains préconisent de porter une attention particulière aux impacts produits par les entreprises sur les droits des groupes vulnérables, dont les enfants.
Certaines organisations internationales et ONG tentent également d’amener les droits de l’enfant au cœur des développements actuels, tels que la proposition de Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ; mais nombres d’entreprises manquent toujours pour autant de saisir les impacts de leurs activités sur les droits de l’enfant au-delà des cas de travail des enfants.
Les enfants sont également des consommat.eur.rice.s, des membres de communautés et dépendent d’acteurs – tels que les employé.e.s – dont l’affectation des droits peut produire un effet ricochet sur ceux des enfants. Aborder les droits de l’enfant par l’unique biais du travail des enfants ne serait donc que s’attaquer à l’épiderme de problématiques plus générales. Cela reviendrait à ignorer, entre autres:
1. Les activités de marketing et de publicités telles que la diffusion de stéréotype de genre et la mise en valeur de produits inadaptés.
2. La dégradation de l’environnement et le changement climatique produisant des effets disproportionnés sur les plans physiques et mentaux des enfants.
3. Les spécifiés de ce groupe vulnérable par nature lors de situations de conflits et d’urgences (telles que les pandémies) souvent ignorées par les plans d’actions des entreprises.
Les impacts négatifs causés par les entreprises peuvent donc avoir des conséquences allant bien au-delà du travail des enfants, incluant notamment mais de façon non exhaustive : la vie familiale, la santé physique et mentale, l’éducation, la sécurité, la nutrition et la participation en société. Ainsi, il est essentiel que les entreprises démontrent une prise en compte holistique des droits des enfants afin de s’aligner sur leur obligation de respecter les droits humains.
Comment intégrer les droits de l’enfant au-delà du travail des enfant ?
Afin de s'acquitter de leur responsabilité, il sera nécessaire que les entreprises mettent en oeuvre des politiques et processus appropriés considérant indépendemment les différentes situations en jeu. Si les méchanismes conçus vis-à-vis des droits des adultes peuvent écarter ou apporter des solutions partielles à des notions cruciales des droits de l’enfant ; appliquer une perspective conciliante des droits des enfants à des processus préexistants n’est pas immiscible. À cet égard, la notion «d’intérêt supérieur de l’enfant» est fondamentale afin de déterminer si des normes et processus autonomes seront nécessaires. Elle sous-tend également l’intégralité des étapes sous-mentionnées:
1. Adopter un engagement/une politique relatif aux droits de l’enfant ou réviser les normes internes existantes afin qu'ils englobent les droits de l’enfant.
2. Cartographier l’ensemble des activités et relations commerciales afin d’identifier les impacts réels ou potentiels, directs ou indirects produits sur les droits des enfants et problématiques intersectionnelles.
3. Évaluer l’adaptabilité et l’efficacité des mécanismes, points saillants et contextes opérationnels existants vis-à-vis des droits de l’enfant.
4. Établir des processus de mitigation et prévention des risques identifiés en mettant l’accent sur des approches de diligence raisonnable alignées aux PREDE.
5. Former et soutenir son personnel à répondre et comprendre les problématiques liés aux droits de l’enfant.
6. Concevoir ou adapter des mécanismes de recueil des plaintes accessibles aux enfants et/ou aux individus/organisations agissant en leurs noms.
7. Déterminer des processus de suivi afin de garantir l’efficience des mesures établies à atténuer/prévenir les risques identifiés.
8. Rendre compte des processus établis, y compris dans les rapports annuels, pour autant que les droits de l’enfant soient considérés de manière holistique et distincte dans les analyses et discussions.
9. Consulter et s’engager – tout au long de ces étapes – avec les détent.eur.rice.s de droits et groupes de parties prenantes concerné.e.s (gouvernements, experts, organisations internationales, ONG) afin d’assurer une superposition des processus de diligence raisonnable avec la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.